Les immigrants francophones, essentiels à la communauté
Le 5 novembre, à l’occasion de la Semaine nationale de l’immigration francophone, la Ville de Dieppe a créé l’événement en s’associant au lancement officiel du court-métrage « Les Essentiels », réalisé par le CAFi et au dialogue public mené par le professeur Leyla Sall.
La Semaine nationale de l’immigration francophone aura été marquée à Dieppe par le lancement officiel, le 5 novembre, du court-métrage « Les Essentiels » réalisé par le CAFi (Centre d’accueil et d’accompagnement Francophone des immigrants du sud-est du Nouveau-Brunswick), en partenariat avec Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada et la Province du Nouveau-Brunswick(1). Tourné dans le sud-est du Nouveau-Brunswick, ce documentaire rassemble les témoignages de six travailleuses et travailleurs essentiels immigrants (2) qui ont œuvré pendant la pandémie de COVID-19. « Notre objectif : changer les regards de la population sur les immigrants et encourager la rencontre et le dialogue », explique Stéphanie Tardif, Coordonnatrice de l’équipe Action communautaire du CAFi. La projection, retransmise en direct depuis la salle du Conseil de la Ville de Dieppe sur les pages Facebook du CAFi et de la Ville de Dieppe, a été suivie par un dialogue public (en présentiel et virtuel) animé par Leyla Sall, professeur Ph. D. au département de sociologie et de criminologie à l’Université de Moncton.
« Nous sommes très fiers de l’importante contribution des nouveaux arrivants dans notre communauté », a souligné le maire de Dieppe, Yvon Lapierre. En adoptant en juin dernier sa toute première stratégie d’immigration, « la Ville de Dieppe s’est fixé comme objectif d’assurer l’équilibre linguistique dans la région (…), en devenant une destination de choix pour l’immigration francophone en Atlantique(…) ».
Un pari sur le long terme, conforté par la forte augmentation des nouveaux arrivants d’expression française observée ces dernières années à Dieppe et dans les villes voisines : de 2016 à 2019, le nombre de résidents permanents en provenance du Maroc a augmenté de 145 %, ceux en provenance d’Algérie de 110 % et ceux en provenance de France de 30 %. « Nous observons trois mondes d’immigrants francophones bien établis en Acadie », rappelle le professeur Leyla Sall : « Les étudiants internationaux, le monde ouest-européen (principalement franco-belge) et les réfugiés ; on peut en ajouter un quatrième qui est le monde maghrébin ».
Un double enjeu : attirer et retenir les immigrants francophones
Reste que, pour la ville de Dieppe, l’enjeu ne consiste pas seulement à attirer les immigrants francophones : il s’agit aussi de les retenir. Face à ce double défi, le professeur Leyla Sall préconise un « modèle assimilationniste », autrement dit un modèle dans lequel « les emplois sont proportionnellement répartis entre les résidents locaux et les immigrants », sans que ceux-ci soient cantonnés à des emplois mal payés et peu valorisants. Il explique : « L’intégration des immigrants passe nécessairement par leur intégration économique (…). Les immigrants sélectionnés pour habiter le Nouveau-Brunswick sont qualifiés – la sélection est d’ailleurs assez serrée à ce niveau-là ! Ils sont transnationaux – autrement dit mobiles – et pragmatiques. Si on les cantonne à un marché secondaire du travail, ou à des emplois peu qualitatifs, c’est bien simple, ils partiront : ils retourneront dans leur pays d’origine ou s’installeront dans une province qui leur offrira des perspectives plus séduisantes en matière de salaire et de niveau de vie ». Et sur ce plan, rappelle Leyla Sall, la concurrence est rude, et pas seulement avec le Québec et l’Ontario : « Le Manitoba et l’Alberta, par exemple, appliquent une politique très agressive en matière d’immigration francophone » !
Le modèle « assimilationniste » en soutien à la cohésion sociale
« Appliquer un modèle assimilationniste participe non seulement à l’intégration économique des immigrants, mais contribue aussi à la cohésion sociale », ajoute le professeur Leyla Sall. « Si les immigrants francophones (qui rappelons-le sont qualifiés !) ne se voient pas proposer des postes à la hauteur de leurs qualifications, ils s’en trouveront frustrés et ne développeront pas de sentiment d’appartenance. Le risque est de développer une francophonie désunie ».
La mission confiée à Bénédicte N’Dri, agente de la stratégie d’immigration à Expansion Dieppe, est donc de taille. Pour attirer et retenir les immigrants francophones, elle mène un travail sur plusieurs niveaux : « Nous collaborons avec les villes voisines dans le cadre du PLI (partenariat local en matière d’immigration) et travaillons étroitement avec tous les acteurs de l’immigration francophone. Nous tâchons aussi de nous montrer exemplaires en tant qu’employeur en nous dotant d’un programme d’équité en matière d’emploi. Les travaux sont en cours et nous en verrons bientôt les premiers résultats. Nous développons aussi des projets ciblés, face aux freins observés par les immigrants ». Parmi eux, « la petite taille du marché du travail francophone », problématique soulevée par le professeur Leyla Sall durant son intervention. « Pour donner aux immigrants francophones de plus grandes chances de se faire recruter sur des postes à la mesure de leurs qualifications, nous devons aussi appuyer les services d’aide à l’apprentissage de l’anglais », conclut Bénédicte N’Dri.
(1) Pour visionner l’événement entier et le court-métrage : cliquez ici
(2) Christine Kangah, Romain Vindiollet, Dani juha, Oscar Masimengo, Nour Ben Salah, Maryvic Am-is Asombrado.